Photos d'EBE, OVNI, Sphères lumineuse, gravure et peinture rupestre
Les OVNI dans l'histoire
Les premières soucoupes volantes durant les années 1940
ou
LES PREMIERES RECHERCHES SUR LES SOUCOUPES VOLANTES DURANT LES ANNEES 1940 (France/Etats-Unis)

En France ou aux Etats-Unis, les premières recherches sur les phénomènes aériens insolites eurent lieu durant la Seconde Guerre mondiale. Elles furent d’abord menées à l’initiative de l’armée. Dès cette époque les états-majors alliés commencèrent en effet à se montrer préoccupés par les rapports d’aviateurs qui leur signalaient régulièrement des rencontres aériennes avec des boules de lumière virevoltantes – les foo fighters- ou des disques volants1.

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Les zones de guerre ne furent pas les seules touchées. L’une des premières mentions d’un phénomène aérien inexpliqué eut ainsi lieu à Los Angeles dans la nuit du 24 au 25 février 1942. A cette occasion, plusieurs aéronefs mystérieux furent pris pour cibles par la DCA audessus de la ville, sans résultat2. Des documents obtenus des décennies après grâce au FOIA (Freedom of Information Act, une loi américaine sur la liberté de l’information autorisant la diffusion des archives administratives) établirent que l’armée suggéra prudemment -par la plume du général Marshall s’adressant au président Roosevelt- l’hypothèse d’“avions non identifiés, autres que ceux de l’Armée et de la Navy”3. A cette occasion, elle créa vraisemblablement une structure d’étude du phénomène : l’Interplanetary Phenomenom Unit4.

Au cours du conflit, des observations de phénomènes aériens intrigants furent donc rapportées en masse, notamment au-dessus de la France. Des pilotes alliés témoignèrent avoir vu des boules lumineuses –les foo fighters- virevolter autour de leurs avions5. Ces observations furent relayées par la presse6. Les états-majors alliés et, probablement, allemands (des observations au-dessus de l’Allemagne sont attestées7) pensaient dans un premier temps avoir affaire à des armes nouvelles utilisées par leurs ennemis8. Il semblerait cependant que les Alliés aient rapidement compris que les foo fighters n’étaient pas des inventions nazies9. Prenant très au sérieux ces manifestations insolites, ils confièrent une mission d’enquête sur le phénomène au général américain James H. Doolittle10. On entrait donc dans l’étude de phénomènes aériens non identifiés, voire d’objets volants qui paraissaient parfois bien matériels, puisque des pilotes décrivirent déjà des disques à de nombreuses occasions11.

Récemment, l’ancien pilote et ufologue Jean-Gabriel Greslé a fait reculer encore un peu plus la chronologie des premières prises en charge du phénomène ou de ses manifestations. Dans ses deux derniers ouvrages12, il a reproduit un certain nombre de documents provenant de sources probablement officielles mais non vérifiées. D’après ces sources, les premières enquêtes, ainsi que des récupérations d’engins, auraient eu lieu dès le début des années 1940, certainement en 194113. Ce serait la Navy qui aurait été la première à s’emparer de l’un de ces objets. Pour Jean-Gabriel Greslé, l’armée allemande en aurait peut-être fait de même dès 193914.

Pour ce qui concerne la France, les premières investigations attestées menées directement par l’armée française remontent à 1946. Cette année correspond à ce que l’on a appelé improprement la “vague scandinave”. Des observations très nombreuses d’objets survolant essentiellement la Scandinavie, mais aussi une grande partie de l’Europe occidentale, jusqu’au Maroc et à la Grèce, furent rapportées15. Elles suscitèrent des enquêtes poussées. Ces phénomènes suivaient toutes sortes de trajectoires, avec parfois des changements de directions à très grande vitesse -les témoins firent souvent état de vitesses supérieures aux avions de l’époque16-, et ne semblaient pas provenir d’un endroit précis. Parfois « ces objets » ont semblé s’écraser au sol ou exploser dans l’atmosphère. Ces manifestations, qui furent décrites comme de véritables engins ressemblant très souvent à des fusées, des torpilles, voire des cigares –on parle de « fusées fantômes » (« Ghost rockets »)-, firent l’objet d’enquêtes militaires approfondies, en particulier par les services de renseignement de l’armée française en Scandinavie. Les rapports furent transmis aux plus hautes autorités politiques et militaires17.

L’hypothèse d’engins soviétiques fut alors envisagée. Les Français pensaient qu’il s’agissait de missiles guidés, pouvant être tirés de la base de Peenemünde qui était contrôlée par l’URSS depuis la chute du régime nazi18. Nombre de militaires ou d’ufologues remirent en question cette hypothèse, bien plus tard, arguant qu’il était peu probable que des centaines de missiles aient été gaspillés au-dessus de pays étrangers sans qu’on ait retrouvé officiellement d’autres traces qu’une matière ressemblant à du âchefer19. En outre, les fusées fantômes ayant été observées jusqu’en Afrique du Nord, la portée de ces missiles aurait été supérieure à 2000 km, ce qui semble inenvisageable pour l’époque. On peut se demander si les militaires furent alors dupes de leur explication « conventionnelle » dans la mesure où le rayon d’action de ces « projectiles à réaction » aurait nettement dépassé celui des V-1 ou V-2 classiques, qui était de 300 à 350 km. D’ailleurs la commission d’enquête du ministère suédois de la Défense, crée pour faire la lumière sur cette situation, admit qu’elle n’avait pas réussi à élucider ce mystère, précisant même qu’elle détenait, « dans 20% des cas, des preuves écartant les possibilités d’un phénomène naturel, psychologique ou d’un avion »20. Incapables d’identifier la nature de ces observations, les autorités finlandaise et suédoise donnèrent des consignes de silence à la presse et pratiquèrent une politique de censure à partir de juillet 194621.

Même si ces manifestations initiales donnèrent souvent lieu à des articles dans la presse, il n’y eut pas –semble-t-il- d’interrogation populaire sur la nature étrange des observations réalisées. C’est seulement en 1947 qu’eut lieu le véritable tournant dans la prise de conscience par le public de phénomènes aériens potentiellement matériels pouvant provenir d’autres mondes. Le phénomène entra alors vraiment dans l’actualité et changea de nom pour l’occasion. Kenneth Arnold, le 24 juin 1947, observa ce qu’il décrivit comme des soucoupes ricochant sur l’eau –ce que des journalistes transformèrent en « flying saucers », ou « soucoupes volantes 22 23 »- depuis son avion, au dessus du Mont Rainier dans l’Etat de Washington. Il aperçut neuf objets qui reflétaient la lumière du soleil et qui se déplaçaient à la manière de soucoupes ricochant à la surface de l’eau. Le temps était alors très clair. Kenneth Arnold estima leur taille aux deux tiers de celle d’un DC-4 et leur vitesse à environ 2400 km/h24. A la suite de son observation, ainsi que de nombreuses autres, la presse s’empara de ce thème. Les manifestations observées furent alors désignées comme pouvant être des machines volantes venues d’autres planètes et l’appellation « soucoupes volantes » se généralisa pour longtemps.

En France, la fin des années 1940 fut caractérisée par les premières initiatives privées relatives à l’étude de ces phénomènes inexpliqués. La presse fut souvent le déclencheur de l’intérêt. Des soucoupistes comme Henri Chaloupek ou Marc Thirouin prirent ainsi connaissance des événements américains de 1947 grâce à des articles de presse qu’ils récoltaient et conservaient, tout en se montrant dans un premier temps assez sceptiques sur les faits rapportés. Henri Chaloupek relate ainsi qu’il fut confronté aux soucoupes volantes pour la première fois à la fin du mois de juin 1947. En vacances dans sa famille, à Prague, il tomba sur un article de journal relatant l’observation de Kenneth Arnold. Ce premier contact avec la soucoupe fut marqué par une certaine distance, puisque sa première réaction consista à penser qu’il s’agissait d’ « un délire psychologique des pays capitalistes »25. Pourtant, il collecta ensuite assidument les articles qui parurent sur la question, notamment en 1948 et 194926.

Guy Tarade fut également l’un des premiers pionniers à avoir été confronté au phénomène. S’il n’observa pas à proprement parler de soucoupes volantes, il fut indirectement en contact avec ces manifestations inexpliquées en 1948. Dans une interview27, il indique qu’on lui avait demandé, alors qu’il était dans les commandos parachutistes, d’observer l’espace aérien pour détecter d’éventuelles intrusions de soucoupes volantes. Selon lui, il s’agissait pour l’armée de vérifier si, comme aux Etats-Unis, l’espace aérien français était survolé par ces phénomènes. Plus tard, dans les années 1950 et 1960, de nombreux soucoupistes se lanceront sur la piste du mystère et intègreront des organisations d’enquêteurs après avoir été directement témoins d’une manifestation insolite28.

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Chose étonnante: c’est en France que les premiers groupements spécifiquement dédiés à l’étude des soucoupes volantes sont signalés pour la première fois dans le monde. Si la Commission Ouranos a pendant longtemps été considérée comme la toute première organisation mondiale mise sur pieds, il s’avère qu’un autre groupement au moins fut créé antérieurement, toujours dans l’Hexagone. Il s’agit d’une structure grenobloise qui se révéla active probablement dès 1949, un journal évoquant son action dans un article de l’époque29. Un ingénieur (selon l’ufologue Jimmy Guieu) –ou radio-électricien (selon la Semaine du monde)- du nom de Jacques Baccard en aurait été le fondateur30. Avec un groupe de techniciens qui partageaient sa passion, ils auraient baptisé ce groupement le « Centre de Recherches Scientifiques »31. Jacques Baccard adhéra aussi à la Commission Ouranos et put –chose assez rare pour un soucoupiste- observer à plusieurs reprises et même photographier des manifestations insolites dans le ciel32.

Par la suite, dans les années 1950 et 1960, le petit monde des soucoupistes va se structurer33. Les premiers groupements d’envergure vont être mis sur pieds et développer des méthodes de recherche de plus en plus efficaces34. La collaboration entre tous les acteurs de l’ufologie va se renforcer pour atteindre son apogée dans les années 1970, avant de décliner. De son côté, la recherche publique civile et militaire va continuer ses études officielles et plus opaques. Mais tout ceci est une autre Histoire35.


Article proposé par :
Manuel Wiroth,
professeur d’histoire et de géographie dans le secondaire, docteur en histoire contemporaine diplômé de l’Université de Lyon III. Sa thèse s’intitule Histoire de l’ufologie en France : des premières recherches individuelles sur les soucoupes volantes à la constitution de réseaux d’étude des ovnis (des années 1940 à nos jours). Cette thèse -réduite et remaniée- est publiée dans sa version « livre » aux éditions JMG/Le Temps Présent sous le titre Ovnis sur la France des années 1940 à nos jours – Apparitions et chercheurs privés (volume 1).




1 WEINSTEIN, Dominique, catalogue int. « Chronique des rencontres dans le ciel », in Lumières Dans La Nuit (LDLN), n°330, nov. déc. 1994, pp 12-14.
2 Art. int. « Army Says Alarm Real. Roaring Guns Mark Blackout », Los Angeles Times, 26 février 1942.
3 Mémorandum secret du général George Marshall au président Roosevelt daté du 26 février 1942, déclassifié et reproduit in GREENWOOD Barry, FAWCETT, Lawrence, The UFO Cover-Up. What the Government won’t say, Simon & Schuster, New York, 1984, pp. 167-170.
4 GRESLE, Jean-Gabriel, 1942-1954, la genèse d’un secret d’Etat, Dervy, Paris, 2013, pp. 66-80 ; art. [en ligne] intitulé « I.P.U. (1942) », in site internet RR0, consulté le 25 février 2016. URL : http://rr0.org/org/us/IPU.html
5 WEINSTEIN, Dominique, catalogue int. « Chronique des rencontres dans le ciel », in Lumières Dans La Nuit (LDLN), n°330, nov. déc. 1994, pp 12-14.
6 Art. Int. « Floating Mystery Ball Is New nazi Air Weapon », in The New York Times, 14 décembre 1944.
7 WEINSTEIN, D., art. cit.; COLLECTIF, Le rapport COMETA. Les ovnis et la Défense, J’ai lu, l’aventure secrète, Paris, 2006, pp. 188-189.
8 Ibid.
9 CLARKE David, ROBERTS Andy, Out of the Shadows, Judy Piatkus Ltd, Londres, 2002, p. 258.
10 DOLAN, Richard M., UFOs and the National Security State, an Unclassified History, vol 1: 1941-1973, Keyhole Publishing Company, New York, Rochester, 2000, cité in PARMENTIER, François, OVNI: 60 ans de désinformation, éd. Du Rocher, Monaco, 2004.
11 WEINSTEIN, D., art. cit.
12 GRESLE, Jean-Gabriel, Documents interdits. La fin d’un secret, Dervy, Dervy poche (édition revue et augmentée), Paris, 2012 ; GRESLE, Jean-Gabriel, 1942-1954 : la genèse d’un secret d’Etat, Dervy, Paris, 2013.
13 GRESLE, J.-G., 1942-1954…, ibid.
14 Ibid.
15 Art. int. « Bombes volantes, fusées fantômes : la vague de l’été 1946 », in LDLN, n°342, nov.-déc. 1996.
16 Ibid.
17 Rapport top secret de l’attaché naval américain à Paris -reprenant un rapport officiel français diffusé au président de la République et aux plus hautes autorités militaires du pays-, daté du 13 août 1946, déclassifié aux Etats-Unis, le 29 mai 1996, in MESNARD, Joël, GONZALEZ, Julien, « Bombes volantes, fusées fantômes : la Vague de l’été 1946 », in LDLN n°342, nov.-déc. 1996, pp 16-20.
18 Ibid.
19 Ibid.
20 DOLAN, Richard M., op. cit., p. 35, cité in PARMENTIER, François, OVNI: 60 ans de désinformation, éd. Du Rocher, Monaco, 2004, p. 20.
21 Rapport top secret cité, in « Bombes volantes… », in LDLN n° 342, nov.-déc. 1996, p. 18.
22 WEINSTEIN, D., art. cit., p. 14.
23 Cependant, il faut noter que, d’après Jacques Vallée, l’appellation « soucoupes volantes » aurait été utilisée la première fois par un fermier texan de Denison en 1878. Il l’aurait employée pour désigner à des journalistes un objet qui planait au-dessus de ses champs in : VALLEE, Jacques, Anatomy of Phénomenon, Regnery, Chicago, 1965 ; DURRANT, Henry, Le livre noir des soucoupes volantes, Robert Laffont, Paris, 1970, p. 82. Cette version est confirmée par le journaliste et ufologue Charles Garreau, pour qui –cependant- la plus ancienne appellation de « soucoupe volante » daterait probablement du 14 août 1863, lorsque La Gaceta de Madrid l’employa à propos d’une observation : in GARREAU, Charles, « Il y a 30 ans – L’invasion des soucoupes », in Historia, n° 368, juillet 1977.
24 McDONALD, James E., Objets volants non identifiés. Le plus grand problème scientifique de notre temps ?, texte préparé pour être présenté à la réunion annuelle de la Société Américaine des Directeurs de Journaux, Washington D.C., 22 avril 1967, p.51, publié in Phénomènes Spatiaux, numéro spécial, 2e trimestre 1969.
25 CHALOUPEK, Henri, Les débuts de l’ufologie en France. Souvenirs d’un soucoupiste, hors série édité par LDLN, Le Vaudoué, 1997, p. 7.
26 Ibid., p. 9.
27 Interview [en ligne] de Guy Tarade par Gilles Thomas, ODHTv, publiée le 4 juillet 2009. Consultée le 4 mars 2015. URL : http://www.dailymotion.com/video/x9rpxf_odh-interview-mr-tarade-g-part-1_news
28 WIROTH, Manuel, Ovnis sur la France des années 1940 à nos jours. Apparitions et chercheurs privés, Editions JMG/Le temps présent, énigma, Agnières, 2017.
29 Article intitulé « Les soucoupes », in la Semaine du monde, n° 104, 5-11 novembre 1954, scanné dans la rubrique « Archéo-ufologie », in Bulletin annuel du SCEAU, n° 7, 2001-2002, p. 59.
30 Ibid ; GUIEU, Jimmy, Black-out sur les soucoupes volantes, rééd., Omnium littéraire, Paris, 1972, pp. 224-225.
31 GUIEU, Jimmy, Black-out sur les soucoupes volantes, rééd., Omnium littéraire, Paris, 1972, pp. 224-225.
32 Article intitulé « Les soucoupes », in la Semaine du monde, n° 104, 5-11 novembre 1954, scanné dans la rubrique « Archéo-ufologie », in Bulletin annuel du SCEAU, n° 7, 2001-2002, p. 59 ; GUIEU, Jimmy, Black-out sur les soucoupes volantes, rééd., Omnium littéraire, Paris, 1972, pp. 224-225 ; GROSS, Patrick, « La vague française de 1954 », art. en ligne in ufologie.patrickgross.org, consulté le 07 mars 2017. URL : http://ufologie.patrickgross.org/1954/24sep1954grenoblef.htm
33 WIROTH, Manuel, Ovnis sur la France des années 1940 à nos jours. Apparitions et chercheurs privés, Editions JMG/Le temps présent, énigma, Agnières, 2017.
34 Ibid.
35 Ibid.